Art-thérapeute: quelle vision actuelle?
L’art-thérapie est plurielle par sa variété de médiations artistiques utilisées, sa richesse de courants et concepts étudiés, ses champs d’action, ses publics et ses pratiques nationales et internationales. Cependant, elle cherche toujours à s’imposer sur le terrain avec le métier d’art-thérapeute alors qu’il existe désormais un code ROME et des formations inscrites au RNCP (Registre National des Certifications Professionnelles).
Mais au-delà du fait que le métier d’art-thérapeute reste encore jeune et se pratique selon différentes approches, doit-on privilégier une vision plutôt qu’une autre?
Dans la mesure où la spécificité de l’Art-Thérapie est de faire du lien entre l’Art et la Thérapie en travaillant sur une prise en soin globale de la personne à partir des capacités d’expression et relationnelles et du processus artistique, n’offre-t-elle pas un champ exponentiel d’étude pour sa professionnalisation? Le métier ne suscite-t-il pas à la fois un regard d’expertise, d’ouverture et de remise en question n’excluant aucune vision pour mieux comprendre le bénéfice de toutes les recherches réalisées dans les dimensions scientifiques (anatomie, physiologie, pharmacologie, éducation, psychologie, sociologie, histoire…), techniques (théories, apprentissages, pratiques, évaluations…), culturelles et artistiques de l’art-thérapie ? Une voie « intégrative » et « inclusive » lui permettrait-elle d’exprimer tout son potentiel en prévention, soin, soutien, voire développement personnel ?
Ce questionnement vient de mes observations depuis que je me suis intéressée en 2009 à l’art-thérapie et depuis suffisamment de temps pour en faire mon métier. J’ai toujours aimé ce qui était pluridisciplinaire. Mes études en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) proposaient un enseignement varié (psychologie, pratiques physiques et sportives dont danse et expression corporelle (disciplines utilisées en danse-thérapie), organisation, gestion, management, histoire, sociologie, ressources humaines, statistiques, entraînement, physiologie…). Elles m’ont permis d’accéder à différents métiers dans le domaine du sport, de la jeunesse et des loisirs dans lesquels j’ai toujours gardé une vision globale sur les actions menées…J’ai pu ainsi travailler sur des projets suscitant des compétences multiples (communication, développement, gestion, relation, organisation, animation, coordination, relation d’aide…). Parallèlement, par mes différentes pratiques extra-professionnelles, j’ai assouvi mon besoin d’expression créative en danse et peinture et mon intérêt pour l’inter culturalité … Avec du recul, ma formation post-bac m’a permis de m’adapter à de nombreux milieux. Au lycée, les arts m’attiraient mais les débouchés se réduisaient à l’époque à l’enseignement ou la communication graphique. Je n’avais pas connaissance encore du métier d’art-thérapeute. Après le BAC, j’hésitais encore entre psychologie, STAPS et arts ayant finalement choisi STAPS. Les options « Management du Sport » et « Sport adapté » proposaient des issues professionnelles dans le développement de projets, le soin et le social auxquelles j’aspirais…
C’est en découvrant vers la trentaine le métier d’art-thérapeute et la pratique de l’art-thérapie que tout s’est relié comme un fil conducteur entre mon parcours à la croisée des chemins et ce que je suis : créative, dynamique, polyvalente, créatrice de liens et humaniste ! Atypique, je ne viens ni du milieu de la thérapie, ni du milieu de l’art à proprement parlé mais des espaces qui circulent entre les deux. Dès lors, une vision et une pratique unique de l’art-thérapie ne peuvent me suffire. Je garde un intérêt naturel à apprendre sur les différentes approches et cela, bien avant l’obtention du titre officiel d’art-thérapeute (RNCP). Ce métier a une richesse de par son essence multiple ! En me « spécialisant » dans le métier d’art-thérapeute, je suis inspirée par sa pluralité artistique, sa diversité de concepts, sa dimension humaine et de soin et tous les outils permettant de révéler le potentiel des personnes que j’accompagne. Moi-même, j’ai pu expérimenter les bienfaits de plusieurs approches. Je remercie d’ailleurs les centres de formation (AFRATAPEM* et PUZZLE*) de m’avoir permis d’accéder aux enseignements professionnels qui me permettent d’exercer ce métier passionnant. Ces centres de formation ont peut-être des conceptions différentes mais ils abordent bien le même sujet et ont su mener un véritable travail complémentaire de recherche pour faire de l’art-thérapie un soin incontournable dans la sphère paramédicale ! Cela mérite d’être rappelé car sans ces centres, croyez-vous que l’Art-thérapie susciterait autant d’enthousiasme actuel ?
L’Art-thérapie fait le lien entre le domaine de l’art et du soin en s’appuyant davantage sur le processus créatif par ses dimensions sensorielles, physiques, cognitives, expressives et relationnelles qu’en pratiquant l’art dans une finalité esthétique selon Alain DIKANN dans son ouvrage « L’art-thérapie » (2018). Je le rejoins parfaitement. Pour autant, il serait dommage de minimiser les effets positifs du "Beau" dans la recherche de l’esthétique d’autant que l’apport des neurosciences est croissant et que le Dr Elisabeth GRIMAUD, psychologue cognitive, spécialisée dans l’entrainement cérébral, a pu démontrer que le « Beau » peut permettre d’améliorer la qualité de vie (voir mon article Surfez sur la vague des 3B: Beau, Bien, Bon en rapport avec l'ouvrage « Beau, Bien, Bon, la formule magique pour sourire à la vie» (2017) et dont les concepts sont notamment communs avec ceux développés dans ma formation initiale auprès de l’AFRATAPEM, cf. « Tout savoir sur l’art-thérapie »(2000) de Richard FORESTIER). D'ailleurs, j'ai bien aimé les propos de Satish Kumar, ancien moine jaïn et disciple de Gandhi dans le magazine N° 39 de Happinez, qui dans la continuité des auteurs que je viens de citer, exprime: "Je suis pour une simplicité élégante, soit "Beau, utile et durable" pour chaque chose que nous acquérons. Beau, car aujourd'hui, nous produisons en masse des choses très laides. Et lorsque nous ne côtoyons pas la beauté, nos âmes sont affamées, frustrées. Les gens deviennent malheureux. L'utilité et la beauté vont de pair. Pourquoi jeter quelque chose de Beau après une utilisation?. Et il faut aussi que ce soit durable pour préserver notre planète". Sur ce point, dans cette période où la paix et la préservation de notre planète deviennent plus qu'une priorité si nous voulons laisser à nos enfants une terre viable, je pense que le "Beau" à mettre dans la vie des personnes peut aussi rassembler et attirer l'attention pour faire passer des messages utiles. Dans une autre mesure, l’expression du « Laid » peut aussi libérer certains affects pour un mieux-être. Et cela aussi, cette dimension ne peut être exclue quand nous reconnaissons que les paroles ne peuvent parfois pas suffire à exprimer ses émotions. Quoi de plus sensible que le domaine des arts pour avoir la possibilité de s'exprimer par la trace, la voix, les sons et le corps par des supports transitionnels? Ces voies peuvent toucher le cœur et l'âme! Aussi, tout comme l’approche art-thérapeutique qui étudie davantage les vécus et mécanismes psychologiques dans le processus de création, l’art-thérapie au sens large n’offre-t-elle finalement pas un champ d’étude professionnelle plus vaste que supposé ? Ne serait-il pas un jour intéressant de créer des liens entre chacune des approches?
Ainsi, j’ai envie de vous partager un regard qui a fait résonance. De la page 52 à 53 de l’ouvrage « Le Cercle de Vie » (2001), Maud SEJOURNANT fait part de son regard sur l’intérêt d’avoir une vision unique (lunaire) ou multiple (solaire) dans la « connaissance de soi ». Il ne s’agissait pas de dire qu’une vision était meilleure qu’une autre mais que chacune a des avantages et inconvénients et que chacun s’y retrouve selon sa sensibilité. Bref, il est inutile de comparer les modes de fonctionnement. La « voie lunaire » met en avant le choix d’une vision unique et d’une pratique spécifique suivie toute sa vie alors que la « voie solaire » s’intéresse à différentes écoles de pensées ou de pratiques qui peuvent parfois s’opposer. Compte tenu de ce que je suis, ma petite voix intérieure me chuchote de préserver mes aspirations et de m’enrichir dans la richesse des « différences » et/ou complémentarités avec une liberté de réflexion et d’analyse...
Personnellement, j’ai choisi comme Maud SEJOURNANT de ne pas confronter les différents systèmes mais plutôt de les absorber dans leurs totalités en m’attachant davantage sur ce qui fonctionne en chacun pour m’adapter aux personnes accompagnées. D'ailleurs, dès que j’entends « art-thérapie » et quelle que soit la provenance, mon cerveau se connecte. Sur mon site internet www.art-vivance.com, j’ai repris différentes définitions de l’art-thérapie. Tout au long de mes formations, je me suis enrichie de visions toutes les plus pertinentes que les autres, à replacer dans un contexte, une histoire… j’ai toujours respecté les différents courants de pensée car j’y trouve dans chacun des outils opérants dans et pour ma pratique professionnelle. C’est tellement stimulant de savoir que l’enseignement est permanent.
Selon moi, la voie unique, tout comme la voie multiple reste critiquable. En ce qui me concerne, mes choix et ma pratique restent dans l’ouverture de tous courants confondus qui puissent œuvrer dans une démarche évolutive, intégrative et inclusive. C’est ma sensibilité plurielle, mon envie, mon choix, mon chemin et ma pratique. J’évolue ainsi. Vivre pleinement mon métier avec mon entreprise Art-vivance ou en institution dans mon champ de possibles tout en reconnaissant mes richesses et mes limites et dans le respect de ce que je suis et des personnes accompagnées est mon principal objectif. Dans ma pratique, j’écoute, je propose, j’évalue, je m’interroge, j’adapte, je reformule en fonction de chacun de mes clients /patients … Je n’en suis encore qu’au début d’une aventure passionnante. Je saisis là l’occasion de remercier toutes les personnes qui m’encouragent mais aussi celles qui me challengent. Avec une dizaine d’années d’expériences de l’art-thérapie et mon bagage professionnel plus ancien, il est temps d’exprimer ma vision en dépassant les possibles critiques à la lecture de ce post…
Selon moi, inclure la pluralité des visions permettrait de faire évoluer le métier d’art-thérapeute sur un nouveau champ de possibles. Cela pourrait contribuer aux aspirations de ceux qui souhaitent la création d’un diplôme d’Etat. Faire des liens entre les différentes approches sans exclusion peut nourrir ce processus comme ont déjà pu s’essayer d’autres secteurs d’activités. Je vous partagerai un exemple dans un prochain article.
Aussi, la reconnaissance de la pluralité ne serait-elle finalement pas une voie pour avancer tous ensemble dans cette dynamique de reconnaissance du métier? Certains organismes opèrent en ce sens comme la LPAT (Ligue professionnelle des art-thérapeutes) et la FFAT (Fédération Française des art-thérapeutes)… affaire à suivre.
Et pour vous, qu’est-ce qui favoriserait le développement du métier ?
Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le commenter ou à voir d’autres articles sur mon blog professionnel sur ma page www.art-vivance.com.
Bibliographie :
Alain DIKANN, « L’art-thérapie », Collection ABC, Editions GRANCHER, 2018.
Dr Elisabeth GRIMAUD, «Beau, Bien, Bon, la formule magique pour sourire à la vie», Editions Marabout, 2017.
Dr Elisabeth GRIMAUD, « Programmez votre cerveau pour le bonheur », Editions Poche Marabout, 2018.
Richard FORESTIER, « Tout savoir sur l’art-thérapie », Editions Favre, 2000.
Maud SEJOURNANT, « Le Cercle de Vie », Collection Espaces Libres, Editions Albin Michel, 2001.
Magazine Happinez, Réunir, N°39, p.105.
Glossaire :
AFRATAPEM : Association française de recherches et applications des techniques artistiques en pédagogie et médecine
PUZZLE : Association Régionale d’Art-thérapie du Pas-de-Calais
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